Déterminisme génétique de la pigmentation de la peau

On peut aisément constater que la couleur de la peau d'une personne dépend de celle de ses parents. Sans bronzage, tout le monde n'a pas la même couleur de peau. Quels mécanismes biologiques expliquent ces différences et en quoi peut-on réfuter la notion de race développée par certaines idéologies de discriminations basées sur la couleur de peau ?



La coloration de la peau à la naissance dépend de trois facteurs : l'hémoglobine, la mélanine et le carotène.
L'hémoglobine est le pigment qui donne leur couleur rouge aux hématies, ou globules rouges, les cellules sanguines chargées du transport du dioxygène : une faible quantité d'hémoglobine teintera la peau de bleu, alors qu'une importante quantité la colorera en rouge.
Le carotène est un pigment orangé qui intervient dans la synthèse de pigments nécessaires à la vision, principalement situé dans les couches les plus profondes de la peau.
Toutefois, le pigment qui est responsable des plus importantes variations de couleur de peau est la mélanine : nous allons donc nous y intéresser plus précisément.


Il existe deux types de mélanine : l'eumélanine et la phaéomélanine. La première est de couleur brune  ou noire, la seconde de couleur jaune orangée ; la combinaison des deux dans des proportions différentes crée une grande variété de teintes de la peau. Un organisme produit toutefois plus d'eumélanine que de phaéomélanine.  (L'eumélanine a notamment pour fonction de protéger la peau des mutations que certaines longueurs d'onde - les ultraviolets, ou UV, de longueur d'onde plus courte que la lumière visible.)
Ces deux pigments sont produits par les même cellules spécialisées, les mélanocytes.


Il convient maintenant de préciser la structure de la peau et sa constitution pour bien comprendre les interactions entre les divers acteurs de la synthèse de la mélanine, que l'on appelle mélanogénèse.
La peau enveloppe l'organisme et délimite le corps humain. C'est un organe, en fait le plus volumineux du corps humain. Elle pèse environ 3,5 kg et couvre 1,5 à 2 m² chez l'adulte.
Elle se compose de trois grandes couches superposées : l'hypoderme, le derme, l'épiderme, de la plus profonde à la plus superficielle.
L'hypoderme est une couche graisseuse. Le derme contient des fibres collagènes, des fibres élastiques, et des protéines.
L'épaisseur de l'épiderme est en moyenne de 100 µm (50 µm aux paupières, 1 mm aux paumes et plantes). C'est là que se situent les mélanocytes. L'épiderme se compose de plusieurs types de cellules :
  • 90 % de kératinocytes, qui  font de la peau une barrière mécanique imperméable entre l'organisme et l'extérieur, grâce à leur forte cohésion assurée par des plaques spécialisées appelées desmosomes ;
  • 2 à 4 % de mélanocytes ;
  • 2 à 4 % de cellules de Langerhans, qui jouent un rôle dans le système immunitaire de la peau et moins de 1% de cellules de Merkel, cellules nerveuses dont le rôle est mal connu.

L'épiderme lui-même se subdivise en cinq couches, de la plus superficielle à la plus profonde :
  • La couche cornée (stratum corneum), constituée de cellules mortes, des kératinocytes dégénérés sans noyau, que l'on appelle alors cornéocytes. Elle est très solide, car directement en contact avec l'extérieur ;
  • La couche claire (stratum lucidium), très réfractive ;
  • La couche granuleuse (stratum granulosum), où commence la cornéification des kératinocytes ;
  • La couche épineuse (stratum spinosum) ;
  • La couche basale (stratum basale), lieu de régénération cellulaire. C'est là que se trouvent les mélanocytes.


Schéma de la structure générale de la peau.
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Schéma de la structure de l'épiderme.

Les mélanocytes sont distribués de manière assez homogène dans la couche basale, et n'ont pas de contact entre eux. Ils possèdent des prolongements cytoplasmiques, des dendrites, qui pénètrent dans les kératinocytes de la couche basale et des niveaux supérieurs, jusqu'à la couche cornée ; un mélanocyte est relié à 36 kératinocytes en moyenne : c'est ce que l'on appelle l'unité épidermique de mélanisation. Ils sont plus nombreux sur le visages, les avant-bras et les zones génitales.
Les mélanocytes produisent, dans leur cytoplasme, des organites appelés mélanosomes où s'accumule la mélanine ; on distingue des phaéomélanosomes et des eumélanosomes. Les mélanosomes sont ovoïdes, et mesurent entre 0,2 et 0,6 µm. Leur formation s'effectue en quatre étapes :
  1. L'organite contient une structure filamentaire encore mal définie ;
  2. La structure interne filamenteuse se précise ;
  3. La mélanine commence à s'y accumuler ;
  4. L'accumulation de pigments et telle que le structure interne n'est plus visible.
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Schéma de la formation, de la croissance et du transfert dans les kératinocytes des mélanosomes

La synthèse des mélanines, quant à elle, consiste en une suite de réactions chimiques successives, rendues possibles par des substances appelées enzymes (en vert sur le schéma ci-dessous). La première molécule de la chaîne est la tyrosine (les noms des molécules sont indiqués en rouge), la principale enzyme intervenant dans la transformation est la tyrosinase.



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Schéma simplifié de la synthèse des mélanines, ou mélanogénèse


Au cours de leur formation, les mélanosomes sont transportés au moyen d'enzymes vers les extrémités des  dendrites puis dans les kératinocytes où ils sont dégradés pour disperser leur pigments.
Ce mécanisme s'effectue naturellement, dès la naissance, mais évolue et s'adapte à certains stimuli extérieurs.

Les différences de couleur de peau ne sont pas dues au nombres de mélanocytes de chaque individu, mais à leur efficacité, c'est-à-dire au nombre produit de mélanosomes, à la concentration en mélanine de ceux-ci, et peut-être au mode de dispersion des mélanines : un sujet blanc aurait de petits mélanosomes qui s'aggloméreraient, tandis qu'un sujet noir aurait de plus grands mélanosomes qui se disperseraient isolément.

La mélanine colore aussi les poils et les cheveux, dont la racine se situe dans la peau. Il y a donc une corrélation entre la couleur de la peau d'une personne et la couleur de ses cheveux ; celle-ci permet d'estimer plus facilement la production de chaque type de mélanine. Par exemple, un sujet roux doit la couleur de ses cheveux à une forte production de phaéomélanine.
On appelle carnation la couleur de la peau.
La carnation et la couleur des cheveux permettent de définir ce que l'on appelle des phototypes, c'est-à-dire des types de production mélanique, selon la classification de Fitzpatrick :

Classification de Fitzpatrick

Type Cheveux Carnation Taches de rousseur Réaction au soleil Capacité à bronzer
I Roux à blonds Très claire *** Brûlent toujours Ne bronzent jamais
II Blonds Claire ** Brûlent souvent Bronzent légèrement
III Blonds à châtains Claire à moyenne * à 0 Brûlent parfois Bronzent graduellement
IV Bruns Olivâtre 0 Brûlent rarement Bronzent facilement
V Bruns à noirs Foncée 0 Brûlent rarement Bronzent intensément
VI Noirs Très foncée 0 Ne brûlent jamais Bronzent intensément


Les taches de rousseur correspondent à l'accumulation de mélanine sur une petite surface de peau : elles illustrent le phénomène décrit plus haut de regroupement des mélanosomes pendant leur dispersion, pour les peaux claires. Elles renseignent donc sur le comportement du système pigmentaire, c'est pourquoi elles entrent dans la classification de Fitzpatrick.
La couleur des cheveux est aussi reliée à l'activité mélanique car ils sont colorés par des mélanines qui s'accumulent dans la racine des poils et cheveux, située dans l'épiderme, tout près des mélanocytes.
Cette classification est utilisée à titre indicatif et il n'est pas difficile d'y trouver des exception (cheveux foncés et peau très claire, par exemple) ; en fait, elle sert surtout pour des dosages médicaux, principalement pour le traitement de cancers de la peau par les ultraviolets. Elle montre toutefois bien qu'il n'existe pas trois types de peau bien distincts (caucasien, asiatique et noir), mais une infinité de nuances et de teintes différentes.

Les théories de l'époque coloniale ou de l'esclavage puis de la ségrégation aux Etats-Unis qui distinguaient des races sur le simple critère de la couleur de peau sont donc totalement infondées.







Pour finir, voilà un extrait d'une émission diffusée sur France 5 qui résume bien le fonctionnement du système pigmentaire :
Vidéo








Créez votre site web facilement avec TOWebDernière mise à jour : lundi 8 mars 2010